“Comment un groupe vivant de personnes peut-il donc naître d’un rassemblement inerte d’anonymes quidams ? » (Donckèle, Jean-Paul. 2003. Oser les pédagogies de groupe. p.60).
La communication de groupe
Je trouve intéressant – pour mieux pouvoir s’y adapter – de distinguer 3 types de situations de communication :
– l’auto-communication ou “le dialogue de nous-même à nous-même” ou du “je à soi” dirait un psychologue ;
– le dialogue ou communication à deux interlocuteurs ;
– le “polylogue” ou communication entre plus de 2 personnes. Je dirai ici “la communication de groupe”.
Et c’est de cette troisième situation de communication dont je vais traiter aujourd’hui. De celle où la parole circule entre plusieurs individus. Au travail, en réunion, en famille, au sport ou autres situations. Groupes de parole, où l’on exprime ses difficultés et où on libère l’expression. Groupes où il faut prendre des décisions, donner des conseils, faire ensemble, créer un projet, maîtriser le sujet de la réunion, gérer le temps, les personnes, leurs rôles, leurs relations, le respect mutuel, l’intérêt commun, etc. Bref, des réunions d’individus que vous ne manquez pas de vivre au quotidien.
Qu’est-ce qui fait un groupe?
Connaître ces définitions permet de mieux gérer ces réunions du quotidien!
Je vous propose ici un article un peu plus poussé que d’habitude pour pouvoir vous offrir une définition correcte de cette réalité complexe que nous nommons “groupe” (j’utiliserai aussi “collectif”). Il me semble en effet que l’on s’adapte mieux aux réalités que l’on comprend bien. C’est pourquoi, après quelques recherches, je définirai le groupe comme suit.
Définition d’un groupe
ATTENTION! Contenu pour lecteurs avertis et non allergiques au jargon scientifique! Si vous allez jusqu’à la fin de l’article, BRAVO! Et dites-le moi en commentaires 😉
Bouclez vos ceintures, décollage immédiat!
D’où vient le terme?
Le terme “groupe” est issu de l’italien gruppo, apparu au XVIème siècle pour qualifier “une réunion de plusieurs figures formant un ensemble dans une œuvre d’art” (Rey, Alain. 2011. Dictionnaire Historique de la langue française. p.1563).
Intégré assez tardivement dans le vocabulaire courant, en français, le terme définit actuellement “un ensemble de personnes présentes et orientées vers un but commun” (Blanchet et Trognon, 2008, p.11).
On définit aussi le groupe comme étant une “collection d’individus réunis à propos” (Dörnyei, Zlotan, et Madeleine Erhman. 1998. Interpersonal Dynamics in Second Language Education. p.14). Ce propos peut être de résoudre ensemble un conflit entre co-propriétaires. Ou bien de prendre un cours du soir. Le collectif se définit aussi par le fait qu’il s’agit d’une catégorie englobant l’individualité, formant par là “une réalité psychologique possédant une vie propre” (idem., p.71).
Les 5 principes d’existence d’un groupe
Ce sont les suivants :
– il doit y avoir une interaction verbale ou non verbale entre les membres du collectif ;
– les membres se perçoivent comme appartenant à ce collectif en particulier (sentiment d’identification et d’appartenance) et poursuivent une action conjointe ;
– ils sont réunis pour un temps relativement long ;
– ils ont souvent développé un système d’organisation propre (entrées et départs du groupe, règles et normes de comportements, nature des relations interpersonnelles, établissement d’une hiérarchie et division des rôles de chacun) ;
– en conséquence des caractéristiques précédentes, le collectif est tenu, par les personnes extérieures, pour responsable des actes de ses membres.
L’exemple du “groupe-classe”
Prenons l’exemple d’une classe :
– elle suppose des interactions répétées entre les participants, et n’existe finalement qu’à travers ces interactions ;
– elle est reconnue par les membres du collectif autant que par les individus extérieurs en tant que groupe possédant des frontières tant physiques que psychologiques ;
– elle est constituée en vue de la réussite d’un projet et l’atteinte d’un but commun et explicite, qui est la maîtrise, par les élèves, d’un sujet particulier (les maths, le sport, etc.).
Les différents types de groupe
La catégorisation des différents groupes humains établie par Anzieu et Martin (La dynamique des groupes restreint. 1968) semble demeurer, à ce jour, la plus consensuelle parmi les chercheurs.
Le tableau récapitulatif
Les auteurs différencient cinq types de groupes :
Dénomination | Degré d’organisation | Nombre de participants | Spécificité |
La foule | Très faible | Très élevé | Sujette à la contagion d’émotions |
La bande | Faible | Restreint | Animée par la recherche du semblable |
Le groupement | Moyen | Variable | Marqué par des relations humaines superficielles |
Le groupe primaire | Elevé | Restreint | Orienté vers des actions importantes, novatrices et dont le but est commun |
Le groupe secondaire | Très élevé | Variable | Déterminé par des buts et des actions planifiés mais individuels |
Exemple d’un groupe primaire
Ainsi, si l’on garde l’exemple du “groupe-classe”, on peut dire qu’elle correspond à la catégorie “groupe primaire”. Et ce, grâce aux caractéristiques suivantes :
– unité de temps et de lieu ;
– raison d’être et de rester ensemble ;
– mise en commun d’un objectif ou d’un intérêt initialement individuel ;
– sort relativement commun ;
– possibilité pour chaque membre de percevoir chacun des membres et d’être perçu par lui ;
– instauration de frontières entre le collectif et les autres groupes ou personnes ;
– création d’un sentiment d’appartenance ;
– possibilité d’une communication entre chacun des membres du groupe ;
– établissement de relations interpersonnelles entre les membres du groupe qui sont humainement riches ;
– évolution des croyances et les normes au sein du collectif, souvent provoquée par les relations sociales avec les autres membres du groupe ;
– sentiment d’appartenance (fortement ressenti en classe) et qui continue de l’être en-dehors de cet environnement ;
– constitution d’une organisation, supposant une répartition des rôles entre les membres.
Pour ne pas conclure…
Ce bref article vous permet de catégoriser les groupes et d’en connaître les grandes caractéristiques. Quel intérêt pour vous? Je pense qu’une bonne maîtrise des fondamentaux psycho-sociaux des situations de communication collective permet de mieux créer ensemble. De mieux faire les choses. D’améliorer les relations sociales. D’éviter des difficultés et de contourner des obstacles et des pertes de temps.
Mieux comprendre pour mieux faire les choses, pour avancer plus loin. Vous savez maintenant qu’un groupe répond à des règles simples :
– une poursuite d’un projet commun ;
– un attachement des membres à l’identité collective qui résulte de cet intérêt mutuel ;
– une création de liens sociaux avec les autres membres ;
– une séparation entre les membres du groupes et les autres personnes ;
Affaire à suivre… Nous verrons très prochainement comment l’individu se réalise au sein du groupe.
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Pour aller plus loin…
Blanchet, Alain, et Alain Trognon. 2008. La psychologie des groupes
8 Responses
Merci pour cet article très intéressant ! C’est vrai que la langue française est d’une telle richesse qu’il est judicieux de préciser toutes les nuances. Le mot juste pour l’idée juste 😉
Merci Nicolas! Absolument : il y a un grand effort de précision a effectuer pour s’assurer d’une bonne intercompréhension 🙂
Bravo Laura, article super intéressant.
Je suis professeur et directeur sportif d’un club de judo. Et en effet, je trouve important les notions que tu apportes notamment dans la gestion des objectifs de groupe. De plus, j’ajouterai qu’un groupe avec certains objectifs peut appartenir a un groupe plus grand qui a d’autres objectifs. Pour poursuivre avec mon exemple, une classe de judo peut avoir pour objectif d’obtenir une ceinture de couleur et l’objectif comme de l’ensemble des judokas du club est de devenir de meilleurs judokas.
Encore merci Laura pour cet article.
Merci Anthony, précision super utile, en effet! Ce que j’aime dans la notion de “groupe”, c’est qu’elle est extensible : un groupe peut en englober un autre, comme tu le montres avec l’exemple des judokas. Les objectifs varient selon les niveaux de groupe, mais les règles inhérentes au collectif s’appliquent toujours…
Il est curieux cet article.
J’ai hâte de voir la suite. C’est surprenant de savoir que le mot groupe vient du mot Italien gruppo.
Ahaha, “curieux” comme “bizarre”? Oui, j’aime bien l’idée de revenir aux fondamentaux… On parle beaucoup de “collectif” en ce moment, et je trouve que l’étymologie aide à saisir certaines nuances!
Merci pour cet éclaircit sur le groupe, ou plutôt les groupes ! J’ai moi aussi envie de lire la suite ahah 🙂
Merci Pierre, ton message m’encourage à continuer dans cette direction alors 😉